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Plan NordEn mars 2011, le rapport du commissaire au développement durable du Québec soulignait que les principes de la Loi sur le développement durable (loi adoptée unanimement par les députés de l’Assemblée nationale en avril 2006) n’étaient pas convenablement respectés par le gouvernement.  On pouvait y lire qu’ils étaient «encore trop souvent ignorés par l’administration publique ou appliqués trop partiellement» [1]. Le Plan Nord que le gouvernement annonce à grands frais respecte-t-il davantage les principes de cette loi?  On peut en douter.

LE PLAN NORD, C’EST QUOI?
Si on se fie à la publicité gouvernementale, il s’agit d’un vaste plan de développement au nord du 49e parallèle (72% du territoire québécois regroupant moins de 2% de la population du Québec) ayant pour objectif d’exploiter le  potentiel minier, le potentiel énergétique, ainsi que la richesse de la faune, de la flore et des ressources halieutiques. On croit qu’au cours des 25 prochaines années, 80 milliards de dollars seront investis dans ce vaste projet.  Pour que ce développement économique puisse se réaliser, le gouvernement consacrera des sommes pour développer des réseaux de transport et de télécommunications. Enfin, le gouvernement promet de protéger une superficie de 50% de ce territoire pour des fins autres qu’industrielles.

QUELS SONT LES PRINCIPES QU’ENFREINDRAIT LE PLAN NORD?
Ce vaste programme ne respecte pas l’esprit de la loi qui a pourtant été votée à l’unanimité en avril 2006.  En guise d’exemple, 4 principes:

Respect de la capacité de support des écosystèmes – Une gouvernance ordonnée exige que l’on détermine avant l’exploration, pas après, ce que doit être ce 50% de superficie à protéger.  On sait que le Grand Nord englobe des écosystèmes parmi les plus fragiles de la planète.  Or le gouvernement se donne toute la latitude voulue pour choisir, au cours des prochaines années, ce qu’il voudra bien protéger en donnant préséance à l’exploration.

Efficacité économique – Quelle contribution économique peut apporter le Plan Nord aux citoyennes et citoyens du Québec?  Le Mouvement Desjardins a effectué une analyse à ce sujet.  Cette étude économique réalisée par l’économiste Joëlle Noreau laisse craindre que le régime minier du Québec ne soit pas assez généreux envers les contribuables et trop envers l’industrie minière [2].  Le gouvernement se devra d’investir 2,1 milliards de dollars au cours des 5 prochaines années pour des infrastructures (routes, aéroports, services publics) dans le Nord.  Mais l’étude souligne que Québec ne retirera que 1,4 milliard de dollars en redevances pour l’ensemble du secteur minier de la province au cours de cette période. Or, selon Desjardins, le gouvernement pourrait réclamer davantage de redevances lesquelles sont de 16% sur le profit des entreprises.  C’est donc dire que les ressources naturelles, qui appartiennent aux Québécoises et aux Québécois, sont payées uniquement si l’entreprise qui les exploite réalise des profits.  Il n’y a pas beaucoup de secteurs économiques où les fournisseurs sont payés par leurs clients uniquement si ces derniers sont profitables… assez spécial comme régime.  D’où la raison pour laquelle plusieurs personnes exigent que le système de redevances soit basé sur la valeur brute du minerai extrait du sous-sol.

Internalisation des coûts – La Loi sur le développement durable explique que la «valeur des biens et des services doit refléter l’ensemble des coûts qu’ils occasionnent à la société durant tout leur cycle de vie, de leur conception jusqu’à leur consommation et leur disposition finale».  Qui paiera en bonne partie pour les infrastructures permettant à l’industrie de faire des affaires?  Les citoyennes et les citoyens du Québec.  Les entreprises privées vont profiter pleinement du soutien de l’État pour la réalisation des infrastructures manquantes.  Sans mentionner les subventions, les crédits d’impôt et les programmes d’aide auxquels ces entreprises auront droit.  Ces coûts externes ne seront pas internalisés par les entreprises alors qu’elles seront aux premières loges pour profiter des services.

Équité intergénérationnelle (du principe «Équité et solidarité sociales») – Ce qui sera beaucoup exploité dans le Grand Nord sera des ressources naturelles non renouvelables.  Non renouvelables.  Que laisserons-nous aux générations qui vont nous suivre?  De la façon dont nous les gérons, pas grand-chose.  On est loin de la Norvège qui a, depuis 40 ans, un modèle intéressant.  Ce pays scandinave exploite du pétrole et du gaz naturel, d’autres ressources naturelles non renouvelables.  Mais ce pays investit les sommes de l’exploitation que récolte le gouvernement dans un fonds spécial.  Le pays ne touche pas au capital investi et n’utilise que les revenus de placement provenant du fonds. De sorte que, maintenant, le capital accumulé est d’environ 400 milliards de dollars, qu’il constitue le deuxième fonds d’investissement le plus élevé au monde et qu’il génère des revenus de placement de 16 milliards de dollars par année [3]. Et les prochaines générations continueront d’en profiter pleinement.

UN PLAN SUD…

Au sud de la province, les infrastructures s’effritent et parfois même s’effondrent.  La mobilité des gens est dans un état pitoyable.  Ne pourrait-on pas se donner un projet économique ambitieux? Un investissement massif dans le transport en commun comme proposé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain [4] que l’on ne peut accuser d’être écolo de gauche…

Il s’agira du sujet du prochain billet.

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[1] Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2010-2011 – Rapport du commissaire au développement durable – Faits saillants . Page 3. Cliquez sur le lien pour accéder au rapport en ligne.

[2] SHIELDS, Alexandre – Le Plan Nord loin de l’eldorado: les retombées ne changeront pas considérablement la donne du point de vue des finances publiques, selon Desjardins – Le Devoir du 4 août 2011. Cliquez sur le lien pour accéder à l’article.

[3] MOUSSEAU, Normand – La révolution des gaz de schiste. – Éditions MultiMondes, 2010. – Page 106.

[4] Chambre de commerce du Montréal métropolitain – Le transport en commun: au coeur du développement économique de Montréal (une étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain réalisée en collaboration avec SECOR) – Novembre 2010. Cliquez sur le lien pour accéder au rapport en ligne.